Roman-3

Publié le par Dahu

 

 

C’est maintenant donc que ma vie débute. Je suis sortie de chez-moi en chemise de nuit, pieds nus. Sans rien. J’avais tué mes parents. Nous étions en été, il ne faisait pas trop froid mais un violent orage grondait, il pleuvait fort, des éclairs zébraient le ciel noir et il tonnait à peu près une fois par minute. La déflagration me fichait à chaque fois une trouille bleue. Comme je ne savais absolument pas où aller et que je n’avais pas envie de rencontrer quelqu'un, je me suis dirigée au hasard vers la forêt. Il s’agissait sûrement du pire choix possible mais je ne m’en suis rendue compte que bien trop tard. Sur le moment, complètement hébétée, mon seul but était de marcher pour éviter de trop réfléchir et aussi parce qu’on m’avait toujours dit que la foudre préfère les cibles immobiles. J’ai donc parcouru le petit chemin pierreux qui conduisait aux bois dans un état d’abandon étrange. Les cailloux blessaient mes pieds, j’étais trempée comme une soupe, la route était longue et je crois vraiment que durant tout ce temps, je n’ai pensé à rien. Puis, à un moment donné, j’ai levé la tête et regardé autour de moi.

Et voilà, fillette, seule dans le grand silence de la nuit noire, les esprits tout autour, sans mère ni père, sans autre bagage qu’un fin vêtement trempé et la terreur qui enfle. J’avais quitté le chemin depuis longtemps, sans même m’en rendre compte pour me retrouver là, au beau milieu de la forêt. Mes yeux s’étaient un peu habitués à l’obscurité, mais la végétation était si dense que je ne distinguais que des ombres vagues. L’eau ruisselant sur les feuillages et les bruits de toute une vie (ou mort…) nocturne produisait une sorte de mélopée, angoissante, insupportable. J’ai eu envie de hurler, de pleurer, de retourner chez-moi, de sortir de cet enfer. Et il n’y avait rien à faire, rien qu’à attendre que le jour se lève. Je sentais sous mes pieds une sorte de grouillement, des choses humides, visqueuses. Au début, je n’ai pas voulu m’asseoir, j’avais bien trop peur de ce qu’il pouvait y avoir dessous. Je n’ai pas résisté bien longtemps cependant. Appuyée contre un arbre, fesses presque nues sur la formication du sol, j’ai patienté, puis j’ai commencé à m’endormir. Et je l’ai entendu pleurer.

Publié dans Créations

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L
<br /> <br /> très freudien tout ça ;)<br /> <br /> <br /> <br />
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D
<br /> <br /> Oui en effet. Je dois avoir l'inconscient en ruines :D<br /> <br /> <br /> <br />
A
<br /> <br /> J'avais pensé au meurtre symbolique également, mais ce n'était pas l'interprétation que j'avais fini par adopter. Mea culpa!  Mon esprit se perd bien souvent, il divague sa réalité...<br /> <br /> <br /> Alors bon continuation, on attend la suite!<br /> <br /> <br /> <br />
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A
<br /> <br /> Voici venu l'inspecteur des travaux finis...<br /> <br /> <br /> Dommage que tu ne parles pas du crime, même si c’est par bribes. Ton annonce est lourde, son effet pourrait être plus intense...<br /> Même sur un ton théâtral et burlesque, ou alors médical pour s’opposer à l’ogre et au bébé diabolique… dans le dessin de mieux marqué la chute du vice lorsqu’il s’incarne.<br /> <br /> <br /> Que signifie « formication » ? La seul définition que j’ai trouvé est « engourdissement », « chair de<br /> poule »… mais ça ne colle pas vraiment.<br /> <br /> <br /> Si je peux me permettre une petite critique stylistique, je dirais alors que ton écriture est légèrement lourde. L’emploi des « que » et « qui » donne cet effet… enfin c’est juste un avis, tu le prends comme tu veux ! Par<br /> ailleurs, le texte a un bon rythme et, surtout, tu évites l’écueil du bon sentiment, si rédhibitoire, à mes yeux du moins, pour un roman.<br /> <br /> <br /> Je suis un peux dans le même cas que toi, je me lance dans l’écriture ! Je me retrouve face à une montagne gigantesque, sublime et<br /> effrayante, et je remarque que rien ne s’obtient sans travail.<br /> <br /> <br /> Enfin, bravo pour ton texte ! <br /> <br /> <br /> <br />
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D
<br /> <br /> Aaah merci! En fait "j'avais tué mes parents" ne signifie pas que le personnage a vraiment commis un meurtre, c'est juste une image pour montrer la séparation. J'avais en tête l'expression "tuer<br /> les parents", se libérer d'eux et c'est peut-être comme ça que j'aurais dû l'écrire.<br /> <br /> <br /> Formication c'est un synonyme que m'a donné word pour "grouillement" et je trouvais le mot très évocateur. Après vérification, ça désigne une sensation de fourmillement plutôt sur le plan médical<br /> mais par analogie ça peut s'appliquer à autre chose, donc "fourmillement du sol".<br /> <br /> <br /> Pour la critique sur le style tu as peut-être raison, en même temps ce que je livre là est un premier jet sans corrections et j'imagine que le texte subira bien des modifications par la suite.<br /> <br /> <br /> Et enfin, pour le travail, il est clair que l'écriture est un truc de cordonnier. Mais enfin, ce serait pas intéressant si c'était facile :)<br /> <br /> <br /> (juste encore, quand tu dis que j'évite l'écueil du bon sentiment, ça me fait réellement plaisir parce que je déteste ça aussi, ça me fait vomir)<br /> <br /> <br /> <br />